Un problème insoluble : les paradoxes électoraux
Le minimum qu'on pourrait exiger d'un système de vote, c'est de vérifier les propriétés suivantes :
- Unanimité (principe de Pareto) : si tous les électeurs préfèrent M. Gentil à M. Pabô, alors le
mode de scrutin classe M. Gentil devant M. Pabô. En particulier, M. Pabô ne peut pas être élu.
- Indépendance des choix non significatifs : si certains électeurs changent d'avis, mais pas en ce qui
concerne Mlle Unetelle par rapport à Mme Uneautre, alors le mode de scrutin classe toujours de la même façon Mlle
Unetelle et Mme Uneautre. En particulier, si M. Gentil est élu, ça ne dépend pas du fait que les électeurs préfèrent
ou non M. Truc à M. Chose... mais juste du fait qu'il préfèrent ou non M. Gentil aux autres candidats !
- Non-dictature : Le résultat du vote ne dépend pas seulement des choix d'un seul électeur !
Malheureusement, il n'existe pas de mode de scrutin qui vérifie
ces propriétés (ou plus exactement de fonction de choix social)... Bien sûr, j'ai présenté ici les choses de
façon informelle, mais on peut mettre ces
hypothèses sous forme mathématique, et prouver cette impossibilité : c'est le théorème d'Arrow.
Certaines des propriétés présentées ci-dessus ne vous paraissent peut-être pas évidentes... Mais en fait, on peut prouver
un résultat plus concis donc, je l'espère, encore plus frappant que le théorème d'Arrow. Exigeons seulement
les propriétés suivantes :
- Non-manipulabilité : Les électeurs ont toujours intérêt à exprimer leurs vraies préférences ; ne pas
exprimer leur opinion réelle ne peut en aucun cas mener à un résultat qui les satisfait davantage.
- Non-dictature : Le résultat ne dépend pas que d'un électeur.
Dès qu'il y a au moins trois candidats, le théorème de Gibbard-Satterthwaite énonce qu'aucun mode de scrutin ne vérifie
ces propriétés... Un tel résultat est particulièrement décourageant pour établir une démocratie, puisqu'il signifie
que dans tout système de vote, certains électeurs peuvent avoir intérêt à ne pas exprimer leurs préférences... À partir
de là, comment le mode de scrutin peut-il faire la synthèse des avis individuels en un choix collectif ? C'est
impossible, puisque que les urnes ne "connaissent" pas les avis individuels !
Mais c'est peut-être moins grave que ça, car la structure de l'opinion (sa culture)
n'est pas quelconque...
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